Petit mot de bienvenue...


"Aujourd'hui bien lassé par l'heure qui s'enroule
tournant comme un bourrin tout autour du cadran
permettez mille excuz à ce crâne - une boule -
de susurrer plaintif la chanson du néant"

Raymond Queneau ( extrait de "L'instant fatal")

VICTIME INNOCENTE

30 janvier 2011

Posée dans le ciel d’une nuit guindée,
Une lune insolente et décidée
Frappait le chemin et les prés grisés,
Laissant toute l’ombre entremêlée.
Une masse semblait s’en détacher
Sur le sentier à demi-éclairé.

Un amas de ferraille endommagé
Traînait là, semblant inhospitalier.
A vrai dire, un fichu marronnier
Masquait les deux cercles assez grossiers
D’un engin quelque peu démantelé :
La mécanique s’était morcelée.

De conducteur, nul signe, enlevé.
Le silence de la nuit exténuée
Laissait percer un sifflement léger.
Les roues tournaient comme pour alerter.
Mais pas de présence pour observer,
Entendre ou appeler les pompiers.
 
Plus loin, survenant de l’obscurité,
Un homme furieux, ancien prisonnier,
S’acharnait sur la forme dénudée.
Il remplissait les sacs de son péché.
Il jugeait que, les restes immergés,
Sa faute ne serait jamais prouvée !

C’est la misère d’un homme aliéné
Qui a, une fois de plus, fracassé
La vie d’une femme dévisagée.
Victime innocente, toute désignée.
Les citoyens choqués sont apeurés.
L’anxiété continue de nous percer.

Manipulée, la peur peut triompher.
Elle place ainsi le récit meurtrier
Au centre d’un conflit d’inimitié !
Barbare et moyenâgeux, la curée
Remplace vite le débat d’idée.
La victime et la raison sont bafouées.




PENOMBRE

25 janvier 2011

Je suis si bien dans ma nuit opaque
Que je ne cherche plus la lumière.
Je ne supporte que quelques lueurs,
Au petit matin, que quelques ombres,
Au coucher d’un soleil indolent.

J’affectionne la mort qui me traque,
Attente si longtemps coutumière.
Je hais les fausses bonnes humeurs
Qui essaient de masquer les décombres
D’un monde futile et aguichant.

Je n’ai pas le besoin démoniaque
De simuler une vie princière.
Je préfère destiner ma sueur
A concevoir, seul dans la pénombre,
La vie d’un vagabond insolent.

Ainsi inutile et dionysiaque
Je veux revivre l’envie première:
Rester, des plaisirs, le serviteur
Afin d’illuminer les nuits sombres
Que je ne veux plus fuir en courant.






ICI-BAS

10 janvier 2011

Là-bas, dans la forêt lointaine.
Le brouillard et la nuit mêlés.
La petite lueur de nuit, vaine,
Achève de se dissiper.

Parti sur un chemin, hagard,
Depuis mon enfance, perdu,
Je jette un piteux regard
Sur ces balivernes vécues.

De fugaces instants heureux
Aux bras d’amours trop séduisantes.
Des jours aveugles, douloureux,
Rappels de ma course harassante.

Les yeux brûlés, les mains rongées,
Titubant dans le désert froid,
Mon corps agonise, blessé.
Le glas sonne en haut du beffroi.

Un espoir insensé revit
Chaque fois qu’une nouvelle femme
Réveille mes passions enfouies.
La boucle sans fin est mon drame.

Si mon corps exige d’y croire
Malgré cette bise nocturne,
Mon cœur meurt dans sa tour d’ivoire,
Ici-bas, seul et taciturne.

IL FAUT

8 janvier 2011

Il faut que la jeunesse apprenne l’obéissance,
Qu’anéantie, elle perde son arrogance,
Que la normalisation des esprits bouillants
Les fasse dociles, suiveurs et nonchalants.

Il faut que partout règne la guerre sauvage,
Que les hommes s’entretuent, miséreux, sans âge,
Qu’égarés, ils acceptent toutes les souillures,
Qu’ils capitulent et tuent leur progéniture.

Il faut que, pour des mots ou des reproductions,
Pour un territoire ou pour une confession,
Ils soient misérables et aussi aveuglés,
Qu’ils finissent, manipulés, par s’étriper.

Il faut décider sur cette terre sans gloire
Qui de nous pourra voir le soleil ou le noir.
Elisons les tout-puissants! Qu’ils soient désignés
Par ceux qui, ensuite, se feront dépouiller.

Il faut que le soleil moribond fasse la nuit
Pour que le monde, déboussolé et ahuri,
Ne puisse entrevoir les fils de marionnettes,
Dans les mains du pouvoir, au dessus de nos têtes.

Dépité, j’observe tous ces gens qui vacillent.
Là, ils retiennent leurs pensées, sourds ou dociles.
Ici, ils agitent leurs bras, anéantis.
Partout, ils obéissent, par la loi, asservis.

Ainsi va ce monde qui contient tous mes doutes.
Si la petite clarté du bout de la route
Eclairait mon chemin tortueux et escarpé,
La nuit noire envahit à présent mes idées.