Petit mot de bienvenue...


"Aujourd'hui bien lassé par l'heure qui s'enroule
tournant comme un bourrin tout autour du cadran
permettez mille excuz à ce crâne - une boule -
de susurrer plaintif la chanson du néant"

Raymond Queneau ( extrait de "L'instant fatal")

CICATRICE

20 août 1972

Une cicatrice intérieure qui coule,
Un visage qui envahit les rêves.

Haïssons les souvenirs
Qui étranglent les nuits,
impossible passé,
incroyable prison.

Le sang s’écoule par la plaie béante
sur le corps décharné et solitaire.
Les larmes douces amères s’évadent,
le souvenir ruine tous les instants.

Haïssons cette passion
qui blesse la raison,
impossible passé,
incroyable prison.

Chemise déchirée, regard vaincu,
corps ébranlé, sécheresse attendue.
Il titube dans l’aride désert,
mais il n’ira plus vers quelque mirage.

Haïssons cette rudesse
qui défigure l’âme,
impossible pari,
incroyable rêve.

Il lève les yeux et voit, sur la route,
la quête d’amour et de solitude.

Bientôt…le suprême départ.

IL N'EXISTE PLUS

21 juin 1972

Il vit de la vie et de la mort.
Son visage est de joie et de douleur.
Son cœur est libre et prisonnier.

Il n’existe plus.

L’amour ne donne plus de plaisir.
La mort même n’attriste plus.
L’âme sauvage a déserté le ciel.

Il n’existe plus.

Et toi, qu’attends-tu donc,
assise en silence dans ce fauteuil,
le sourire ironique, les dents blanches?

Attends-tu que le temps l’anéantisse?
Que la vermine déchire sa chair?
Que le vent habite son crâne?
Que ses os s’envolent en poussière?

Mais qu’importe à la voie ambitieuse,
trace obstinée de ta vision terrestre,
de savoir ses motivations mystiques
puisque il n’existe plus…dans tes rêves.

L'ADIEU

17 avril 1972

Il s’éloigne de toi lentement,
comme l’enfant de ses parents.

Il ne rompt pas le dialogue
mais n’espère plus l’amour passé.

Cette aventure arrive à son terme,
même si ton cœur espère encore,
même si ton souvenir ne le quitte pas.

Adieu, il prends un autre chemin,
et ce chemin n’est pas un chemin,
chaque jour le fais et le défais
chaque heure le marque puis l’efface,
Chaque seconde le crée, le tue.

UNE RONCE

17 février 1972

Les amis, ne lui jetez pas la pierre
si vous lui êtes indifférents ou inutiles.

Son royaume est dans d’autres rêves,
il voyage dans sa pré naissance radieuse
au milieu des féeries étoilées et glacières,
il visite des prunelles d’encens atomisé.

Dans ses rêves nus d’enfant léprosé,
orphelin mille fois abandonné de ses muses,
ses mains de papier déchirées par les coups
n’ont plus la volonté de saisir l’amitié.

Son cœur vagabonde de tanières en tanières,
n’espérant que la joie d’un ultime instant.

Il se pourrait qu’un jour, il renaisse.
Mais qu’importe à présent la vie,
puisque sa mort n’aurait pas plus d’importance
que celle d’une ronce.

TROP TARD

20 janvier 1972

Il te revoit allongée sur le sable chaud,
les lèvres écartées, le soleil dans les yeux.
La bise, qui flagellait ta sensualité,
ne parvenait pas à réduire tes désirs.

Ses sens lui rappellent ta présence lointaine.
Ses mains jouaient avec ton corps qui exultait,
tandis que vos membres enlacés permettaient
cette mobilité qui menait à l’extase.

Mais la raison l’a trompé et il est parti.
Son absence étrangla toutes tes espérances
et l’angoisse consuma lentement ton corps.

Aujourd’hui, tu lui es revenue, humble et meurtrie.
Hélas, le souvenir de l’amour est absent
et seule, à présent, la tendresse emplit son cœur.