Petit mot de bienvenue...


"Aujourd'hui bien lassé par l'heure qui s'enroule
tournant comme un bourrin tout autour du cadran
permettez mille excuz à ce crâne - une boule -
de susurrer plaintif la chanson du néant"

Raymond Queneau ( extrait de "L'instant fatal")

JUSTE AVANT

5 décembre 2011

Dans la nuit immonde et glacée,
Il l’a croisée, comme une esquisse,
Une fois de plus égarée ;
Un mensonge au fond de l’abysse.

Voulant oublier le défilé
D’un cœur épuisé par le temps
Et d’une raison ébranlée,
Il renonça, à contretemps.

Elle cherchait instinctivement
A remplir le vide de l’âge.
Il tentait d’oublier, imminent,
Le souffle annonçant les orages.

L’impossible était devant eux,
Normalisé et réactionnaire.
Il ne sentait plus, comateux,
La résistance libertaire.

Il subissait son oppression,
Acceptait de se renier.
Elle clamait sa soumission.
Il vivait comme un prisonnier.

Et juste avant de trépasser
Pour en finir de son calvaire,
Il partit, amant rescapé,
Révolté et libertaire.

POINT DE MIRE

17 novembre 2011

Besogneux toute sa vie,
Espérant un jour meilleur,
Il misait, âme asservie,
L'énergie du travailleur.
Oubliant la filouterie
Du propos des conseilleurs,
Il oeuvrait à sa survie
Ignorant tous les voleurs.

Il levait parfois la tête
Pour affronter ses bourreaux.
Et toujours bien trop honnête
Il a porté son fardeau.
Ainsi, il croyait les prophètes
Qui lui montraient le gâteau.
Alors, lâchant la gachette,
Il vivait dans ses lambeaux.

Immolant ses sentiments
Sur la croix du repentir,
Et celle de ses parents,
Il regardait à loisir
Le désordre des serments.
S'enfoncant dans des plaisirs,
Calculés et indécents,
Il finit par dépérir.

Le sursis s'achève là.
L'avenir n'est qu'un délire,
Un bonheur de cinéma
Dans le champ des souvenirs.
La peur au ventre, déjà,
Devant le chemin à fuir,
Il court dans le brouhaha
Le trépas en point de mire.



LES BRAS EN CROIX

02 juillet 2011

  
Le cimetière des Capucins
Est plein d’ombres pour l’éternité.
La vision des tombes alignées,
Si grises, sous le soleil câlin.
 
  
Là, surgissent des fleurs sans couleur
Qui semblent venir du temps passé.
Le témoignage à peine apaisé,
Le dernier signe d’une douleur.
  

Une croix rouillée et délabrée
Semble attendre depuis très longtemps.
Le désir insensé d’un printemps,
La main prévenante d’un ouvrier.
   
  
Une autre croix cassée, renversée,
Nous montre la vanité du temps.
Notre vie, frivole passe-temps,
Les croyances humaines brisées.
   
       
Une grille d’amour éternel
Pour affronter toute la misère.
La vie pour unique lumière,
La pensée d’un monde fraternel.
   
      
Ne jamais vivre les bras en croix
A souffrir au nom d’un dieu despote.
Artisans pugnaces d’un antidote,
Construisons la vie de notre choix.

  

LAISSEZ-LE

30 mai 2011



Laissez-le reprendre,
Un temps, son haleine.
Laissez-le attendre
La fin de sa peine.
 
Le monde est si vide
Durant son absence.
Dans la nuit livide,
Les ténèbres dansent.
 
Son rire d’enfant
L’a abandonné.
Silence étouffant,
Cri discipliné.
 
Laissez-le reprendre,
Un temps, son haleine.
Laissez-le attendre
La fin de sa peine.
 
Ses yeux arrogants
Sont cadenassés.
Souillure sans gant,
Regard convulsé.
 
Son silence aigu
Attise sa peur.
Sa vision tordue
Accroit sa stupeur.
 
Laissez-le reprendre,
Un temps, son haleine.
Laissez-le attendre
La fin de sa peine.
  
  
  
  
  

SUR UN BANC

11 mai 2011

Les enfants de chœur
Et les filles lasses,
  Malgré la rancœur,
  Un jour, ils s’embrassent

Sur un banc plein d’ombres
  Usé par le temps.
  Sur un banc trop sombre
  Muet depuis longtemps.

Epris de douceur,
  De bruit, de raffut,
  Les enfants noceurs
  Restent à l’affût

Sur un banc plein d’ombres
  Usé par le temps.
  Sur un banc trop sombre
  Muet depuis longtemps.

L’homme plein d’ardeur
  Une femme au bras
  S’assoit, clabaudeur,
  Tel un fier-à-bras

Sur un banc plein d’ombres
  Usé par le temps.
  Sur un banc trop sombre
  Muet depuis longtemps.

Le vil égorgeur
  Tranche le colback
  De ce voyageur
  Allongé en vrac

Sur un banc plein d’ombres
  Usé par le temps.
  Sur un banc trop sombre
  Muet depuis longtemps.

L’avocat plaideur
  Cache sa misère
  Malgré la froideur
  De son ministère

Sur un banc plein d’ombres
  Usé par le temps.
  Sur un banc trop sombre
  Muet depuis longtemps.

Ainsi le rimeur,
  Frappé d’amnésie,
  Entend la rumeur
  Comme une poésie

Sur un banc plein d’ombres
  Usé par le temps.
  Sur un banc trop sombre
  Muet depuis longtemps.

PEUT-ETRE

14 mars 2011


Les grandes fenêtres ouvertes en journée,
Toutes fermées prudemment à la nuit tombante,
Entourées de tentures riches et pédantes.
Un fil de ma mémoire désarticulée.
Peut-être la mort annoncée déjà présente.


Le salon, sol en parquet et plafond boisé,
Lumière tamisée, guéridon et champagne,
Le libertin soupçon comme exquise compagne.
Un fil de ma mémoire désarticulée.
Peut-être le plaisir d’une dernière larme.

La cheminée obscure et les flammes ailées,
Juste la bûche rougeoyante qui crépite,
La douce chaleur magnifique qui m’excite.
Un fil de ma mémoire désarticulée.
Peut-être la torpeur d’une nuit sans visite.

Le chandelier brodé de bougies embrasées,
La cire rouge dominée de flammes claires,
Et dans la pénombre, le décor légendaire.
Un fil de ma mémoire désarticulée.
Peut-être l’illusion d’un dandy libertaire.

Le piano aphone avec ses cordes usées,
Le vide des doigts virtuoses sur l’instrument,
Sa docte présence pleine de boniment.
Un fil de ma mémoire désarticulée.
Peut être la création perdue d’un moment.

Le canapé de toile rouge, bois doré,
La rosace sculptée et le pied séculaire,
Les petits accoudoirs usés par les affaires.
Un fil de ma mémoire désarticulée.
Peut-être le génie d’un artisan faussaire.

Le portrait d’une jeune femme évaporée,
Une mèche de cheveu glissée sur le sein,
Le drapé de sa robe tenu à dessein.
Un fil de ma mémoire désarticulée.
Peut-être la fin d’un enchantement serein.







 

AMITIE

28 février 2011




Les jours passent, romans déshabités.
Les souvenirs et contre-vérités
Remplissent le vide infini du temps,
Un lent labeur rempli chemin faisant.


Sur la route, j’ai rencontré des gens,
Beaucoup de gens, des gentils, des méchants,
Des grands, des petits, de tous les acabits,
Souvent vulgaires, parfois érudits !


Et aussi quelques amis malicieux
Au cœur de ce monde calamiteux.
Quelques rayons de soleil, dans la nuit
Et le froid, qui assaillent nos esprits !


Rares instants de plaisirs partagés
Juste à nous lâcher le temps d’un dîner,
En dégustant la divine bouteille
Dont l’un de nous avait choisi la treille !


Ainsi, cher amis, vaillants et soiffards,
Depuis que j’ai croisé votre regard
Vous occupez les places préférées
Dans mon imagerie de l’amitié !


Ce jour, avec une grande émotion,
Témoins de cette fraternisation,
Tous ici réunis par notre amitié,
Vidons nos verres, sans jamais l’oublier !











MERCI

12 février 2011

Plus d’un an s’est enfui, le temps file si vite !
Tu achevais un changement de logement.
Une femme déjà, mais encore une enfant.
Comme beaucoup d’entre-nous, gamins ou parents,
Coincés entre nos rêves, toujours si présents,
Et la réalité étriquée qui nous limite !

Ainsi ta jeunesse, excessive et fougueuse,
Rencontrait mes humeurs sereines et tranquilles !
En construisant mon chemin avec ta maman,
J’essayais de porter un regard bienveillant
Pour répondre à ta quête de petite fille.
Comme une épaule pour une gosse rêveuse !

Et puis, à ton tour, tu as éclairé mon heure,
Un jour où la vanité m’aveuglait un brin.
Tu as trouvé des mots sages et prévenants !
Aujourd’hui que tu franchis le cap des trente-ans,
Trace, sans défaillir, ton auguste chemin !
Explore tous les jolis sentiers de ton cœur !

 

VICTIME INNOCENTE

30 janvier 2011

Posée dans le ciel d’une nuit guindée,
Une lune insolente et décidée
Frappait le chemin et les prés grisés,
Laissant toute l’ombre entremêlée.
Une masse semblait s’en détacher
Sur le sentier à demi-éclairé.

Un amas de ferraille endommagé
Traînait là, semblant inhospitalier.
A vrai dire, un fichu marronnier
Masquait les deux cercles assez grossiers
D’un engin quelque peu démantelé :
La mécanique s’était morcelée.

De conducteur, nul signe, enlevé.
Le silence de la nuit exténuée
Laissait percer un sifflement léger.
Les roues tournaient comme pour alerter.
Mais pas de présence pour observer,
Entendre ou appeler les pompiers.
 
Plus loin, survenant de l’obscurité,
Un homme furieux, ancien prisonnier,
S’acharnait sur la forme dénudée.
Il remplissait les sacs de son péché.
Il jugeait que, les restes immergés,
Sa faute ne serait jamais prouvée !

C’est la misère d’un homme aliéné
Qui a, une fois de plus, fracassé
La vie d’une femme dévisagée.
Victime innocente, toute désignée.
Les citoyens choqués sont apeurés.
L’anxiété continue de nous percer.

Manipulée, la peur peut triompher.
Elle place ainsi le récit meurtrier
Au centre d’un conflit d’inimitié !
Barbare et moyenâgeux, la curée
Remplace vite le débat d’idée.
La victime et la raison sont bafouées.




PENOMBRE

25 janvier 2011

Je suis si bien dans ma nuit opaque
Que je ne cherche plus la lumière.
Je ne supporte que quelques lueurs,
Au petit matin, que quelques ombres,
Au coucher d’un soleil indolent.

J’affectionne la mort qui me traque,
Attente si longtemps coutumière.
Je hais les fausses bonnes humeurs
Qui essaient de masquer les décombres
D’un monde futile et aguichant.

Je n’ai pas le besoin démoniaque
De simuler une vie princière.
Je préfère destiner ma sueur
A concevoir, seul dans la pénombre,
La vie d’un vagabond insolent.

Ainsi inutile et dionysiaque
Je veux revivre l’envie première:
Rester, des plaisirs, le serviteur
Afin d’illuminer les nuits sombres
Que je ne veux plus fuir en courant.






ICI-BAS

10 janvier 2011

Là-bas, dans la forêt lointaine.
Le brouillard et la nuit mêlés.
La petite lueur de nuit, vaine,
Achève de se dissiper.

Parti sur un chemin, hagard,
Depuis mon enfance, perdu,
Je jette un piteux regard
Sur ces balivernes vécues.

De fugaces instants heureux
Aux bras d’amours trop séduisantes.
Des jours aveugles, douloureux,
Rappels de ma course harassante.

Les yeux brûlés, les mains rongées,
Titubant dans le désert froid,
Mon corps agonise, blessé.
Le glas sonne en haut du beffroi.

Un espoir insensé revit
Chaque fois qu’une nouvelle femme
Réveille mes passions enfouies.
La boucle sans fin est mon drame.

Si mon corps exige d’y croire
Malgré cette bise nocturne,
Mon cœur meurt dans sa tour d’ivoire,
Ici-bas, seul et taciturne.

IL FAUT

8 janvier 2011

Il faut que la jeunesse apprenne l’obéissance,
Qu’anéantie, elle perde son arrogance,
Que la normalisation des esprits bouillants
Les fasse dociles, suiveurs et nonchalants.

Il faut que partout règne la guerre sauvage,
Que les hommes s’entretuent, miséreux, sans âge,
Qu’égarés, ils acceptent toutes les souillures,
Qu’ils capitulent et tuent leur progéniture.

Il faut que, pour des mots ou des reproductions,
Pour un territoire ou pour une confession,
Ils soient misérables et aussi aveuglés,
Qu’ils finissent, manipulés, par s’étriper.

Il faut décider sur cette terre sans gloire
Qui de nous pourra voir le soleil ou le noir.
Elisons les tout-puissants! Qu’ils soient désignés
Par ceux qui, ensuite, se feront dépouiller.

Il faut que le soleil moribond fasse la nuit
Pour que le monde, déboussolé et ahuri,
Ne puisse entrevoir les fils de marionnettes,
Dans les mains du pouvoir, au dessus de nos têtes.

Dépité, j’observe tous ces gens qui vacillent.
Là, ils retiennent leurs pensées, sourds ou dociles.
Ici, ils agitent leurs bras, anéantis.
Partout, ils obéissent, par la loi, asservis.

Ainsi va ce monde qui contient tous mes doutes.
Si la petite clarté du bout de la route
Eclairait mon chemin tortueux et escarpé,
La nuit noire envahit à présent mes idées.